SOIRÉE DE GALA POUR MARINE JOATTON Connaissance des Arts, octobre 2019 – Marie Maertens

Le titre de la première exposition de Marine Joatton chez Berthet-Aittouarès, « La vie est un gala », pourrait être trompeur… Car la cérémonie ne s’ouvrira pas sous le signe de l’élégance obséquieuse, mais dans l’exubérance de toiles construites par touches colorées (de 5000 € à 10000 €). L’artiste dit d’ailleurs qu’elle « part en peinture », après avoir beaucoup travaillé la sculpture, puis le dessin. Odile Aittouarès a été séduite « par son besoin vital, presque maladif de s’exprimer, à l’exemple des artistes d’antan », et la rapproche de l’automatisme et de la quête de l’in conscient d’un Henri Michaux, pour tisser un lien avec l’historique de la galerie. Marine Joatton combine vitalité d’expression et sobriété des sentiments, nous invitant dans un monde féerique et fictionnel, sans se dévoiler…

La vie est un gala. galerie Berthet-Aittouarès

Beaux-Arts magazine, Octobre 2019. Stéphanie Pioda

On s’abandonne face aux toiles de Marine Joatton pour une plongée dans une peinture sans complexe ni préjugé. On se délecte en toute confiance, porté par le plaisir du rapport immédiat à l’oeuvre, pour laquelle tout discours semble superflu. Il s’agit d’une expérience où le ressenti et l’émotion dominent. Première exposition personnelle de l’artiste à la galerie Berthet-Aittouarès, «La vie est un gala» réunira 20 peintures où l’on croisera notamment un Prince et une Infante au chocolat. Un régal ! 

L’engagement poétique : 5 femmes. Article de Colin Cyvoct paru dans l’œil de janvier 2019

Saint-Louis (68)

Femmes peintre je vous aime

Fondation Fernet-Branca

Jusqu’au 10 février 2019

Voici une exposition dynamique et chaleureuse : cinq femmes, cinq sensibilités, cinq regards nous confrontent à des présences au monde profondément différentes. Les peintures de Marine Joatton s’affirment comme des énergies en deçà de toute évidence. « Je voudrais dépasser la réalité pour faire surgir une vérité que j’aimerai sublimer par une sorte de poésie » confie avec pudeur cette artiste née en 1972. Chacune de ses toiles apparait comme un étonnant précipité d’énergiques tensions formelles audacieusement colorées. Quand on les découvre pour la première fois on peut vraiment se demander d’où ça vient. Toujours quelque chose du « réel » – visages, fleurs, arbres, foule humaine – semble identifiable. Mais avec une telle impétuosité formelle que tous les repères convenus sont chamboulés. Chaque peinture s’affirme comme une fenêtre de liberté. Les quatre autres artistes ne semblent pas à ce point nous confronter à des présences parvenues d’une autre planète, mais toutes nous invitent à de stimulantes échappées belles au-delà des apparences ordinaires. Vanessa Fanuele (née en 1971), associant architecture et paysages imaginaires, construit ses espaces avec une sensibilité très contrôlée. L’univers onirique de Marie–Hélène Fabra (née en 1961), habité d’apparitions parfois spectrales, nous précipite au-delà du plafond de verre des normalités. Durs durs et cependant merveilleusement sensibles se révèlent les dessins en noir et blanc d’Haled Zahedi (née en 1982). Marie-Amélie Germain (née en 1966) porte une attention tendre et rigoureuse aux arbres, aux maisons et aux ciels.

Colin Cyvoct

« 5 femmes : l’engagement poétique. Marie-Hélène FABRA, Vanessa FANUELE, Marie-Amélie Germain, Marine JOATTON, Haleh ZAHEDI », Fondation Fernet-Branca, 2 rue du Ballon, Saint-Louis (68), www.fondationfernet-branca.com

Parution d’un portrait dans l’Œil par Colin Cyvoct

Face aux dessins, peintures et sculptures de Marine Joatton, il est bien difficile de savoir sur quel pied danser. Que sont, ou qui sont, ces silhouettes, présences aussi affirmées qu’improbables, jaillissements de vie animale et humaine singulièrement entre mêlée ? Antoine de Galbert, fondateur et président de La Maison Rouge, découvrant son travail dans son atelier parisien, lui disait en 2005 : « Vous avez le choix, vous pouvez poursuivre vos recherches soit du côté de l’Art brut soit du côté de l’art contemporain ». « Je n’ai rien répondu à l’époque, j’étais un peu perdu », se souvient Marine Joatton, qui poursuit : « Je ne fais pas de l’Art brut, que j’aime beaucoup. J’espère qu’il y a des qualités de mon travail qui peuvent se retrouver dans l’Art brut.» Clairement, elle débusque, combat et brise avec bonheur les opacités et les chaînes des conventions du regard. Diplômée de Science Po Paris à 20 ans, elle s’envole pour l’Ecosse, y enseigne le Français à l’Université de Saint-Andrews, et dessine, dessine beaucoup, dessine tant qu’elle décide de suivre un cursus de sculpture à l’université de Dundee. Puis elle revient en France pour intégrer les Beaux- Arts de Paris. Depuis, toutes ses journées sont consacrées à ses recherches terriblement libres, radicalement éloignées de toute censure de la raison raisonnante. Ces derniers mois, Marine Joatton  peint des grands portraits à l’acrylique sur papier. « J’aime peindre les têtes, les têtes qui ne se regardent pas. Je travaille beaucoup la présence de la peau, du pelage. J’aime qu’il y ait de la chair, une vraie présence de la matière picturale.»

Colin Cyvoct

 

1972 Naissance à Paris

1995 Entre au Duncan of Jordanstone College of Art de Dundee, Ecosse

2001 Diplômée de l’Ecole Supérieure des Beaux-Arts de Paris

2013 Résidence en Corée du sud, exposition personnelle Galerie 604, Busan, Corée du sud.

2014 Résidence au Domaine de Kerguéhennec, Bignan (56)

2016-2017 Exposition personnelle au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint Etienne(42)

2017 

Expose à Drawing Now, galerie Réjane Louin, Carreau du Temple, Paris 3ème

Du 21 mars au 1er avril : expose au Petit cabinet de dessins contemporains, Bernard Vidal-Nathalie Bertoux Art contemporain, 65 rue de Turenne, Paris 3ème

 

Parution d’un article dans Art Absolument, par Sophie Fardella

MARINE JOATTON
MIGRATION DE LA PEINTURE DANS LE DESSIN

 

Découverte en 2006 grâce à ses dessins lors de l’exposition collective À fleur de peau. Le dessin à l’épreuve à la galerie Éric Dupont à Paris, Marine Joatton développe un imaginaire fantastique dessiné sur des bouts de papier et s’étalant de manière frénétique sur ses carnets de dessin. Ses oeuvres récentes montrent un réel besoin de faire évoluer son geste vers des dimensions plus picturales où la couleur se révèle être le nouveau réservoir d’énergie. Au sein de son atelier parisien envahi de ses dessins, Marine Joatton revient sur sa réunion des territoires de la peinture et du dessin.

ENTRETIEN AVEC SOPHIE FARDELLA

Sophie Fardella :

Marine Joatton, le dessin possède une place centrale dans votre création. Comment cet intérêt particulier pour ce médium est-il né ?

Marine Joatton :

J’ai toujours dessiné. C’est une pratique que j’ai développée de façon continue et sans interruption depuis l’enfance, sans doute parce que mon père était professeur de dessin. J’ai compris grâce à lui que le dessin était quelque chose d’important, qu’il fallait faire avec sérieux et passion. Enfant, il y avait toujours des crayons, des feutres et du papier à portée de mains : un enfant peut beaucoup s’investir dans les jeux avec le dessin. Il y a toujours eu des dessins sur mes classeurs. C’est comme ça que, petit à petit, je me suis investie dans ce médium sans jamais l’abandonner.

Comment avez-vous décidé de déplacer votre pratique du dessin à celle de la peinture ?

C’est après l’exposition À fleur de peau et une exposition personnelle à la galerie Éric Dupont où je n’ai montré que des dessins que j’ai commencé à vouloir déplacer ma pratique sur des formats plus grands. Ce déplacement du dessin à la peinture ne s’est pas fait sans difficulté, car je n’avais pas du tout de connaissances sur ce médium. Les Beaux-Arts ne m’avaient pas formée à cette technique puisque j’y étais dans l’atelier de photographie. La technique de la peinture, je l’ai apprise en autodidacte, contrairement au dessin qui a toujours été le coeur de ma pratique, dans lequel j’avançais en terrain balisé. Avec la peinture, j’avais cette impression de recommencer à zéro, sans connaissance et sans rien maîtriser. De plus, la difficulté que j’ai tout de suite rencontrée a été de vouloir commencer avec l’huile. Au début, le résultat était peu satisfaisant et, petit à petit, j’ai pris de l’assurance, surtout après deux résidences en Corée dans un atelier de peinture en 2012 et 2013 ayant donné lieu à une exposition à la Galerie 604 de Pusan, qui soutient toujours mon travail. Je peignais sur de très grands châssis de 2 m sur 2,50 m où j’ai commencé à me sentir plus confiante. Depuis, la peinture et le dessin rythment ma production. Dans ma peinture, il y a toujours des éléments de dessins. Au départ, c’était le dessin, maintenant c’est la peinture qui commence à englober le dessin. Je pense que ce sont deux pratiques qui se complètent et je les considère comme deux outils qui me permettent d’avoir un espace de création hybride.

Avez-vous une règle de travail qui rythme ce processus de création ?

Celle-ci est en constante évolution. J’élabore toujours un protocole qui va être à l’origine d’une série ; lorsque je commence à m’ennuyer et que la série n’évolue plus et devient trop répétitive, j’arrête et j’en commence une autre. Ce qui détermine la série, c’est le format, la technique. En ce moment, j’utilise beaucoup de format raisin sur papier avec de la gouache. Lorsqu’une série sur petit format arrive à la fin d’un questionnement, je repars sur de plus grands formats en gardant les mêmes thèmes. Toutes mes oeuvres sont illustrées d’animaux, de masques, de portraits et d’êtres hybrides, qui me sont dictés par une écriture automatique. C’est un procédé qui m’aide à percevoir des choses et me guide lorsque je ne sais pas au départ ce que je veux faire : je pars de taches qui me révèlent peu à peu des formes que je viens préciser. Dans ma série en cours – les Merdons –, cette hybridation prend la forme de petits enfants, nounours, poupées, chiots, chatons, tout à la fois. Désormais, j’ai une vingtaine de grands formats très « peints ». Toujours associée à l’enfance, sa force et sa vulnérabilité, cette série des Merdons est un vaste champ d’expérimentations picturales.

Depuis cette migration de votre imaginaire fantastique dans le pictural, le dessin précède-t-il systématiquement l’acte de peindre ?

Le dessin ne vient jamais avant la peinture : il se construit avec… J’ai essayé dans La Contemplation de la flaque de commencer une toile par le dessin, puis de terminer par la peinture. Après cet essai, j’ai laissé tomber ce procédé qui essayait de différencier l’acte de dessiner de l’acte de peindre. En comparant cette oeuvre et Venir à bout des taupes, on remarque bien le passage entre deux procédés : celui qui différencie le dessin et la peinture dans le processus de réalisation, et, à l’inverse, celui qui lie à parts égales les deux médiums.

Dans votre série des Merdons, beaucoup plus picturale, il semble que la couleur vient petit à petit saturer l’espace de la toile et que les traits propres au dessin s’estompent. Le dessin face à la peinture ne disparaît-il pas finalement ?

Le dessin ne peut pas disparaître de mon travail, tout est question de dosage. Le dessin est dilué, amalgamé et fusionne avec la peinture. On ne peut plus dire qu’à un moment, je dessine et à un moment, je peins : ce sont des activités qui sont complètement imbriquées. Tout comme chez Emil Nolde ou Edvard Munch, qui m’ont beaucoup inspirée, on ne peut percevoir de différence entre leur dessin et leur peinture : ces deux médiums ont collaboré.

 

MARINE JOATTON EN QUELQUES DATES

Née en 1972. Vit et travaille à Paris. Représentée par les galeries Réjane Louin, Locquirec et Françoise Besson, Lyon.

 

Dernières expositions

 

2017 Le Vent souffle où il veut (jusqu’au 8 octobre), galerie Françoise Besson hors les murs, Thônes

2016 Un air de famille, Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Étienne Métropole

Jean-Luc Chalumeau signe un portrait dans le n° 103 de Verseau, le magazine en ligne de l’art en train de se faire

Marine Joatton, à la fois diplômée de Sciences Po Paris et des Beaux-Arts, est née en 1972. Son exposition intitulée Un air de famille au Musée d’art moderne et contemporain de Saint-Etienne en 2016 a permis de donner la mesure d’une artiste puissamment originale, totalement peintre, qui reconnaît, parmi ses grands prédécesseurs, l’importance de Picasso. En témoigne son huile sur papier « Picasso » (2015) dans laquelle l’artiste fait allusion au terrible regard vide de l’Autoportrait du 30 juin 1972 dans lequel Picasso se voyait déjà mort. Mais là s’arrête l’emprunt : ce Picasso-là sourit avec férocité, un petit bonhomme s’intègre à la composition. La même année, Marine Joatton a peint d’autres huiles sur papier (Patriarche, Cubiste…) qui attestent d’une conception de la peinture proche de celle du vieux maître de Mougins qui lui permet de rester elle-même. Il semble que, comme ce dernier, elle a réussi à se débarrasser de « l’art » pour rejoindre la seule peinture. « Moins il y a d’art et plus il y a de peinture » disait Picasso à son amie Hélène Parmelin. Il avait écrit sur un carnet de croquis, le 27 mars 1963, des lignes que Marine Joatton a dû méditer : « La peinture est plus forte que moi, elle me fait faire ce qu’elle veut ». Oui, mais Marine ajoute que pour elle la peinture est comme un cheval qu’elle aurait enfourché : il est plus fort qu’elle, certes, mais elle le guide. Dans ses Bouquets de têtes comme tout récemment dans ses Merdons, on voit bien que l’artiste a gardé le contrôle de sa démarche. Il n’empêche : elle appartient au petit nombre des peintres qui, à la suite de Picasso, ont renversé les rapports entre l’artiste et son œuvre. A propos de Picasso, Marie-Laure Bernadac a noté qu’il était parvenu « au point que l’homme est tout entier dans la peinture et que celle-ci semble vivre de sa propre substance, s’autogénérer… » On pourrait en dire autant de la façon dont Marine Joatton, comme malgré elle, aborde sous nos yeux la question de la peinture qui décidément est très loin d’être morte.

 

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